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Biographie de Chantal-Rose SCOTTO
Si je voulais parler de moi, il faudrait vous parler de lui. Je me situe aujourd’hui entre mémoires et autobiographies, je ne ressens aucune tendance autobiographique et j’applique tant de filtres sur mes mémoires, je suis seulement moi. Pas de confession ayant pour vertu l’absolution de péchés véniels ou capitaux, ou d’épanchement ou même encore de curriculum vitae année par année n’induisant que les belles choses de la vie.
Mes mémoires sont le récit rétrospectif en prose qu'une personne telle que moi, émotionnelle et réelle, fait de sa propre existence lorsqu'elle met l'accent sur sa vie individuelle et en particulier sur l'histoire de sa personnalité… »
Ma famille et le monde qui entourant ma jeune vie insouciante et heureuse, et me révélant une autre de leurs forces : J’avais dix ans, la violence était déchaînée, et l'injustice, la bêtise, le scandale, l'horreur, l’indépendance de l’Algérie.[...] Mon église. Je demeurai insouciante de beaucoup de choses que les gens prennent au sérieux ; mais, ma vie cessa d'être un jeu, à la force de l’âge, je connus mes racines, je ne feignis plus d'échapper à ma situation : je tentai de l'assurer.
Désormais, la réalité pesa son poids. À ce point, il me paraît outrecuidant à tant parler de moi. Je ne renie pas ma préférence pour l’histoire inventée dans laquelle, sans ostentation aucune, j’infiltre quelques ressemblances avec ce qui est moi, créateur. S’il me fallait parler de moi, je devrais vous parler de lui.
Sans jamais dire son nom, je le célèbre chaque jour.
Il m’a façonné de sa voix, de son amour et de sa loi.
Chaque matin il fredonnait Figaro si, Lakmé, les Remparts de Séville, l’air de radâmes, la garde montante… Le véritable but de sa vie fut peut-être seulement celui-ci : que sa voix, ses sensations et ses pensées deviennent du chant, c'est-à-dire une célébration quotidienne de quelque chose d’intelligible et général.
Entre ces deux moments de ma vie, jeune femme, j’ai lié des amitiés, j’ai voyagé, j’ai beaucoup lu, et j’ai commencé ma carrière d'écrivain. J’évoque la transition qui me fit passer de jeune femme soumise à l’ambiguïté de l’éducation basée sur un silence mensonger, un secret, à la femme consciente de ses responsabilités et résolue à s'engager dans la littérature.
J’allais me plonger dans le récit de mes doutes, mettre en scène mes souvenirs chargés de faits contemporains, une autobiographie aux dénouements agités et embellis. Me glisser au cœur d’un monologue étranger, mon journal intime favorise cette intrusion, et, aussi à cause de certains romans que j’ai lu.
Ma destination fut différente, je me réjouissais d’avoir quitté ce chemin chaotique pour entrer dans la seule divagation d’histoires à créer de toutes pièces que le style du genre policier permettait de tisser. Ce sentier initiatique caillouteux et pentu appelait mes ardeurs et empressements. D’un tout autre regard, un boulevard s’étirait devant moi, ses larges voies m’attiraient tandis qu’une peur viscérale paralysait mon action et je regardais du point le plus haut d’un pont imaginaire l’abysse s'élargissant, ouvrant ses parois pour mieux m’y accueillir.
Je livrais ligne après ligne dans des cahiers à spirales, me repentant de ne jamais passer à l’acte, les dialogues racontant l’histoire de cette jeune fille ne pouvant pas rencontrer l’amour. Je désirais ardemment qu’elle soit heureuse ! Ainsi, je modifiais son destin et changeais la donne. Je créais et donnais vie aux acteurs aux chanteurs et les planches des théâtres vibraient en se chargeant de leurs émotions. Les voix s’envolaient au-delà des décors les mots et la musique triomphaient du réel. L’âme des créateurs transcendait l’orchestre qui sublimait l’œuvre du compositeur, pendant que le pentagramme placé au point le plus haut du décor, dans un balancement régulier et lancinant, hypnotisait l’assemblée des auditeurs.
Chantal-Rose SCOTTO
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